Définition SEP

 

Définition SEP par le service Neurologie de Rennes 

La sclérose en plaques (SEP) est une maladie inflammatoire, une des maladies inflammatoires du système nerveux central, une leuco-encéphalomyélite.
La pathologie inflammatoire du système nerveux central (S.N.C.) réunit :
– des maladies infectieuses aiguës ; en dehors des abcès, ce sont surtout des encéphalites et des myélites à virus (herpès, rougeole, C.M.V. ..), liées à la présence du virus dans les cellules nerveuses ; atteignant en règle (générale ?) la substance grise, ce sont des polio-encéphalites et des polio-myélites (cf. la poliomyélite antérieure aiguë).
– des encéphalomyélites post-infectieuses, qui font suite à une infection virale (vaccine, rougeole, oreillons, varicelle …), après la phase de virémie, contemporaines de la réponse immunitaire et en rapport avec elle ; elles atteignent la substance blanche ; ce sont des leuco-encéphalites péri-veineuses (oedème, inflammation, démyélinisation en manchons péri-vasculaires) évoluant de façon monophasique.

Cette opposition simple est insuffisante :
– il existe des encéphalites virales très tardives, liées à la persistance d’un virus, persistance latente pendant des années, dans les neurones et dans la glie, avant de se déclarer comme des pan-encéphalites sclérosantes subaiguës (virus de la rougeole, de la rubéole) ;
– certains virus papova pouvant atteindre (en raison d’un déficit immunitaire) les cellules gliales de la substance blanche, donnent une leuco-encéphalopathie multi-focale progressive, d’évolution subaiguë.

Expérimentalement, on peut produire des leuco-encéphalo-myélites par injection à certaines souches de souris avec un adjuvant adéquat, d’un extrait de myéline (ou de protéine basique de la myéline, ou de certains peptides de cette protéine) ; c’est le modèle de l’Encéphalite dite allergique expérimentale (EAE). On peut aussi produire par injection intra-cérébrale de certains virus (virus de Theiler ; hépatite murine) une maladie en deux temps, polio-encéphalite par infestation virale, puis leuco-encéphalite par auto-immunité.

Dans le cadre de la pathologie inflammatoire, la SEP occupe une place particulière, du fait de sa fréquence (la principale maladie non tumorale du système nerveux chez l’adulte jeune), de son évolution prolongée sur des dizaines d’années, entraînant au fil du temps des déficits de plus en plus invalidants.

1. Définition de la sclérose en plaques

La définition nosologique de la SEP reste anatomique ; la description des lésions lui a valu son nom (Charcot 1868).
C’est une démyélinisation, destruction de la myéline dans la substance blanche de l’encéphale et de la moëlle, respectant les axones (dissociation myélino-axonale, au moins relative).
C’est une démyélinisation inflammatoire comme en témoignent les lésions jeunes où l’oedème et l’infiltrat inflammatoire accompagnent la désintégration active des gaines de myéline. Dans les lésions moins jeunes, c’est à la périphérie des lésions, dans leur zone de progression qu’on trouve l’inflammation : lymphocytes T (CD4), puis macrophages et lymphocytes B ; sécrétion d’immuno-globulines (IGM puis IGG). Les lésions anciennes sont le siège d’une prolifération astrocytaire qui caractérise la sclérose du tissu nerveux ; ce que Charcot a décrit, c’est le stade cicatriciel des lésions.
Ces lésions démyélinisantes ont une répartition et une topographie singulières, non pas diffuses, ni en nappes, ni en manchons, mais en plaques. Les zones de démyélinisation sont circonscrites, à la coupe arrondies ou ovalaires, dans l’espace ovoïdes, bien circonscrites, avec une frontière nette par rapport à la myéline saine. Ces plaques sont multiples et disséminées dans le système nerveux central (encéphale, nerf optique, moëlle épinière), pouvant toucher n’importe quel secteur de la substance blanche, mais avec des sites de prédilection : tronc cérébral, zones périventriculaires.

2 Epidémiologie

Elle montre une répartition géographique inégale de la maladie avec des zones de haute prévalence (autour de 100 pour 100.000 habitants) en Scandinavie, Ecosse, Europe du Nord, au Canada et au Nord des Etats Unis, des zones de prévalence moyenne (autour de 50), Europe centrale et de l’Ouest, Sud des Etats Unis, des zones de prévalence basse (inférieure à 20), autour de la Méditerranée et au Mexique. La maladie est exceptionnelle en Afrique dans la population noire. Un premier regard fait donc apparaître un gradient Nord-Sud, des climats tempérés humides aux pays chauds, mais ce principe de latitude n’est pas d’application générale : le Japon, dont l’extension Nord-Sud équivaut à celle des U.S.A. est uniformément en basse prévalence ; la répartition de la SEP dans l’hémisphère Sud ne présente pas un gradient aussi schématique.
D’autre part, dans les zones de prévalence forte et moyenne, on observe une distribution inégale, avec des foyers, dans une ville ou une zone rurale (c’est le cas en Bretagne).

L’analyse de ces données conduit à supposer l’interférence de deux facteurs au moins : un facteur d’environnement et un facteur génétique. L’hypothèse d’un facteur d’environnement est appuyée en particulier sur l’étude des migrations de populations entre des zones de prévalence inégale : très schématiquement, ceux qui migrent après l’âge de 15 ans ont le risque de la région d’origine, ceux qui migrent avant l’âge de 15 ans ont le risque de la région d’arrivée, comme si un évènement décisif se produisait, seulement, dans certaines contrées, à l’adolescence (plusieurs années avant le début clinique de la maladie).

En faveur d’un facteur génétique, outre la faible prévalence de la SEP chez les Japonais, on relève la rareté chez les Noirs américains au Nord comme au Sud des USA. L’intervention du patrimoine génétique est confirmée par le dénombrement des familles multi-cas plus fréquentes que ne donnerait le hasard : on estime le risque à 2 p. 100 pour les frères et soeurs d’un patient, soit un facteur 50 par rapport aux sujets non apparentés. L’étude canadienne des jumeaux dont l’un est porteur de la maladie montre pour les dizygotes une concordance de 2 p. 100 (comme tous les germains), et pour les monozygotes de 40 p. 100. Ceci fait apparaître la fois l’importance du facteur génétique dans le déterminisme de la maladie et le fait qu’il ne s’agit pas d’une maladie héréditairement transmise (100 p. 100 de concordance chez les monozygotes). Il existe une susceptibilité d’origine génétique, mais qui ne suffit pas pour que se produise la maladie.

3 Génétique

La notion de gènes de susceptibilité repose aujourd’hui sur la liaison entre SEP et système HLA. Des études nombreuses et confirmées ont montré, chez les patients atteints de SEP, une sur-représentation (une présence excessive par rapport aux témoins comparables) des allèles A3 et B7, et surtout de DRW15, DQ6 (correspondant au groupe DW2 en culture lymphocytaire mixte). Ces résultats, retrouvés dans les pays européens et en Amérique du Nord, paraissent correspondre principalement à l’apport génétique des populations d’origine scandinave. La liaison à HLA est retrouvée partout, mais les allèles sur-représentés ne sont pas partout les mêmes (exemples de l’Italie du Nord, des parsis en Inde). Si la présence de certains allèles sur le 2ème locus d’histo-compatibilité est responsable de, ou associée à une susceptibilité plus grande à la SEP, ce facteur génétique n’est sûrement pas le seul (ni même possiblement le plus important). Les autres polymorphismes génétiques étudiés (immuno-globulines, récepteur de la cellule T, protéines de la myéline) n’ont pas abouti pour l’instant à débrouiller la transmission certainement multi-génique de la susceptibilité.

4 Etiologie

La répartition par sexes indique une prédominance feminine : à peu près 3 femmes pour 2 hommes.
L’étude des âges montre que le début clinique se situe entre 20 et 40 ans dans 70 p. 100 des cas.
Il y a des débuts précoces :
– 2 p. 100 avant 10 ans
– 13 p. 100 entre 10 et 20 ans
et des SEP de survenue tardive :
– 11 p. 100 entre 40 et 50 ans
– 3 p. 100 entre 50 et 60 ans
– et même 0,3 p. 100 après 60 ans.
L’argument d’un âge d’apparition habituel doit en pratique être relativisé.

5 Clinique – principes du diagnostic

Le diagnostic de SEP repose sur la mise en évidence par la discussion des syndromes cliniques et électro-physiologiques observés de plus d’un site lésionnel, l’obligation de retenir plusieurs localisations et sur le constat d’une évolution qui se prolonge ou se ranime au-delà de quelques mois. La plus caractéristique est l’évolution rémittente par poussées successives (65 p. 100 des cas), qui régressent en quelques semaines, avec ou sans séquelle, pour faire place à une accalmie ou une stabilité jusqu’à la poussée suivante. Quelquefois après une phase d’évolution rémittente de quelques années commence une aggravation de type continu progressif (formes rémittentes-progressives). L’évolution rémittente n’est pas un argument nécessaire : on évalue à 13 p. 100 les S.E.P. continues progressives d’emblée, formes dont le profil est très différent et le pronostic sévère.

6 Modes de début

Les lésions qui s’expriment en premier peuvent siéger en des points très divers du système nerveux central, entraînant une symptomatologie révélatrice, bruyante ou discrète, très variable d’un cas à un autre. Les premières manifestations peuvent être (pour ne citer que les plus fréquentes) :
– une paraparésie,
– une monoplégie brachiale ou crurale,
– un déséquilibre en position debout (cérébelleux ? proprioceptif  ? vestibulaire ?)
– des troubles sensitifs, paresthésies, dysesthésies, zones d’hypoesthésie cutanée,
– une névrite optique rétro-bulbaire,
– plus rarement la paralysie d’un nerf crânien, une paralysie faciale, un syndrome de Claude Bernard-Horner.

Le diagnostic repose à ce stade, devant une manifestation fonctionnelle apparemment isolée, sur l’examen neurologique complet recherchant les signes objectifs d’une lésion d’autre localisation, en s’aidant de l’étude des PEV, PES, PEA, éventuellement en réveillant par l’épreuve du bain chaud des symptomes effacés. L’IRM, quand elle montre, avec un syndrome clinique uniloculaire, des lésions multiples de la substance blanche, contribue aussi à rendre le diagnostic probable. Seule l’évolution, indiquant qu’il ne s’agit pas d’un processus aigu monophasique permet un diagnostic affirmé.

7 Tableaux constitués habituels

Au bout d’un temps variable, typiquement après une succession de poussées régressives, la SEP entraîne un tableau déficitaire permanent. Du fait de la prédilection des lésions pour certains faisceaux, un tableau clinique peut être décrit qui, sans être univoque ni obligatoire, se retrouve dans une majorité de cas. Il comporte :

7.1 Une note paraplégique :

Spasticité (en position debout) ; déficit (en position debout) ; déficit modéré des raccourcisseurs ; exagération des ROT, polycinétiques, diffusés (cette exagération se retrouve aux membres supérieurs et s’accompagne précocément d’une abolition du réflexe du voile) ; signe de Babinski.
Avec une paraparésie discrète à l’évaluation neurologique, on peut observer une perte de commande des membres inférieurs à la marche, véritable abasie.

7.2 Une note cérébelleuse :

Qui aggrave les troubles de statique et de démarche. Elle est évidente aux membres supérieurs, grossièrement incoordonnés, jusqu’à rendre l’écriture impossible.

7.3 Une note proprioceptive :

Ataxie ; signe de Romberg ; certains patients doivent contrôler par la vue la position de leurs pieds.

7.4 Un nystagmus :

Les plus fréquents sont le nystagmus latéral rotatoire dans les deux positions latérales du regard et le nystagmus multi-directionnel. A noter particulièrement le nystagmus monoculaire de l’oeil abducteur, témoignant d’une ophtalmoplégie inter-nucléaire. D’autres nystagmus plus rares sont possibles.

7.5 Une dysarthrie :

Où s’associent à divers degrés une composante cérébelleuse et une composante paralytique.

7.6 Des anomalies du fond d’oeil :

Pâleur du segment temporal de la papille, uni ou bilatérale, cicatrice d’une névrite optique dont l’interrogatoire retrouve quelquefois la phase aiguë, comme l’histoire d’un épisode d’amaurose unilatérale spontanément régressif. A la phase séquellaire, une névrite optique peut n’entraîner qu’un minimum de déficit fonctionnel, mais à l’opposé, chez quelques patients, l’amaurose est un des facteurs principaux d’incapacité.

7.7 Autres

A cet ensemble syndromique, lui-même très multiforme selon la sévérité relative des différents constituants, d’autres symptomes peuvent s’ajouter qui en modifient la présentation :

7.7.1 des douleurs

La SEP est une maladie chronique invalidante mais typiquement elle n’est pas douloureuse. Les exceptions prennent la forme :
– de douleurs fulgurantes des membres inférieurs, dont on peut rapprocher le signe de Lhermitte provoqué par la flexion passive rapide du cou (signe d’atteinte cordonale postérieure)
– de douleurs lancinantes diffuses dans la partie basse du corps
– de douleurs faciales, soit à type de Névralgie du trijumeau (en décharge), soit de type continu (avec ou sans hypoesthésie du même territoire)
– de douleurs articulaires et musculaires liées à la spasticité.

7.7.2 des troubles des fonctionnements sphinctériens et sexuel

Habituels à un stade tardif, après de nombreuses années d’évolution, ils apparaissent chez quelques patients précocément et dominent alors le tableau. Ils méritent une attention particulière, un bilan fonctionnel, des mesures rééducatives, des traitements pharmacologiques.

7.7.3 des troubles psychiques

Sur le plan thymique et affectif, on a décrit un état d’indifférence, de sérénité discordante par rapport à l’inconfort réel de vie (spes sclerotica) ; cet état existe mais il est rare et beaucoup plus souvent on observe une dépression plus ou moins révoltée, aggravant l’incapacité sociale et professionnelle.
Sur le plan cognitif, un handicap modéré est fréquent mais non constant : défaut d’attention, de mémoire, de synthèse, de flexibilité. Les formes démentielles sont exceptionnelles, comme les évolutions marquées par des épisodes confuso-maniaques récidivant avec les poussées.

7.7.4 des crises d’épilepsie

Rares dans l’ensemble, elles sont plus souvent généralisées que partielles ; bien contrôlées par le traitement elles peuvent s’éteindre après quelques mois ou quelques années et permettre l’arrêt des anti-convulsivants.

7.7.5 des phénomènes dystoniques

Dans une maladie qui ne comporte pas de symptomes extra-pyramidaux, ils se résument en une contracture (avec des paroxysmes tétaniformes) d’un membre ou d’un hémicorps.

7.7.6 des signes périphériques

La SEP est une démyélinisation centrale ; cette formule lésionnelle explique toute la symptomatologie. Cependant, en fin d’évolution on peut observer une aréflexie dans certains territoires et une atrophie neurogène localisée (lésion des fibres radiculaires motrices dans leur trajet intra-médullaire ? participation de la myéline périphérique au processus de destruction ?).

7.7.7 des signes végétatifs

Très rares sont les dérèglements de la T.A., du pouls, de la vaso-motricité. L’hyperthermie accompagne des épisodes de coma qui, après régression, peuvent se répéter plusieurs fois.

8 Formes cliniques

Le polymorphisme que peuvent réaliser les associations entre les syndromes précédemment décrits permet de passer rapidement sur le chapitre des formes symptomatiques en mentionnant seulement quelques aspects atypiques ou peu habituels :
– des formes hémiplégiques soit soudaines, pseudo-vasculaires, très rarement à bascule, soit progressives simulant une T.C.,
– des formes médullaires, sous la forme d’un syndrome de Brown-Sequard, ou d’une myélite transverse, ou d’une sclérose combinée de la moëlle, d’une paraplégie en flexion ou d’un syndrome du cone terminal. A l’I.R.M. certains cas de lésions purement médullaires peuvent ne pas comporter d’images anormales au niveau de l’encéphale,
– des formes cérébelleuses avec incoordination du tronc, de la tête et des membres ; ce sont des formes rapidement invalidantes chez des sujets jeunes.

Formes évolutives :
Le profil de la courbe évolutive distingue, nous l’avons dit, des formes rémittentes, rémittentes-progressives et progressives d’emblée.
Le rythme des poussées et/ou de la progression des déficits individualise :
– des formes aiguës graves qui installent très vite des handicaps sévères, complétés et remaniés en quelques mois de poussées ininterrompues. Après un ou deux ans elles peuvent finalement se stabiliser en laissant un état déficitaire majeur.
– des formes moyennes, qui, en 10 ans, atteignent le niveau 4 sur une échelle en 10 points (= conserve une activité malgré de sérieuses difficultés), en 20 à 25 ans, le niveau 6 (= déplacements limités et difficiles).
– des formes bénignes, sous forme de poussées espacées, faites de troubles sensitifs régressant chaque fois sans séquelle, ou bien débutant de manière quelconque mais cessant de se manifester après 2 à 3 poussées.
– il y a même des formes muettes, entièrement latentes, découvertes d’autopsie (chez un sujet mort d’une autre affection).

Il faut retenir l’extrême diversité de ces évolutions, bien différente de l’image univoque d’invalidité rapide habituellement attachée à la SEP (et qui correspond aux formes graves : environ 10 pour 100 des cas). Les formes bénignes doivent être connues car, pour elles, aucun risque thérapeutique n’est justifié.

Quelques indications permettent de prévoir à quelle forme évolutive on se trouve confronté :
– l’intervalle entre la première et la deuxième poussée
– le nombre de poussées dans les 2 premières années
– la date d’entrée dans une progression continue
– le niveau atteint sur l’échelle d’invalidité à 5 ans, à 10 ans.
Mais il ne s’agit jamais que de probabilité, la prévision pouvant se trouver démentie, en bien lorsqu’une très longue stabilisation complète intervient (même au cours d’une progression continue), en mal lorsqu’après des années de stabilité sans aucune manifestation de la maladie survient une grave poussée qui augmente sérieusement le déficit séquellaire.
Il y a des formes éteintes de SEP. S’il est habituel de voir l’intervalle s’allonger entre les poussées avec les années, d’observer après 10, 15 ou 20 ans de longues périodes de stabilité, il arrive de rencontrer des patients âgés de 70 ans et plus, chez qui la maladie ne manifeste aucune activité depuis 20 ans et dont l’état neurologique ne changera plus.

9 Diagnostic positif

Il repose sur la clinique, l’électro-physiologie, l’évolution.
L’étude du LCR peut compléter les critères du diagnostic, ce qui est important quand il manque soit la preuve d’une répartition multi-loculaire soit l’évolution polyphasique à rechutes. Elle montre :
l’élévation de la protéinorachie, toujours modérée (0,60), inconstante,
la présence anormale à l’électrophorèse d’IgG, produites dans le tissu nerveux , par sécrétion intra-thécale. Le caractère d’exsudat (inflammatoire) et non de transsudat (perméabilité aux protéines sanguines) est démontré par la comparaison du taux (normal) de l’albumine par rapport aux IgG ; comparaison effectuée selon diverses formules dont l’Index IgG de Link.
la répartition oligoclonale des IgG. Cette anomalie est la plus constante (> 90 p. 100 des cas), la plus caractéristique (elle ne s’observe que dans des encéphalites aiguës ou certaines infections chroniques), mais elle n’est pas révélée par la plupart des électrophorèses de routine.
une hypercytose, presque toujours modérée (< 20 cellules). Elle manque très souvent, notamment dans les premières années. Dépendant du siège des lésions actives, elle n’a pas de signification pronostique.

10. L’I.R.M.

C’est la seule méthode qui montre les lésions dans le système nerveux central. Elle confirme dès le début de la SEP ce que l’Ana Path. montrait tardivement : le grand nombre de lésions (sans commune mesure avec ce qu’indique la clinique) et leurs sièges de prédilection.
La présence dans la substance blanche de zones d’hypersignal en T2 ne distingue pas : l’oedème, la démyélinisation, la sclérose (plaques anciennes) et, dans celle-ci l’éventuelle nécrose-axonale. L’usage du gadolinium, marquant les zones de perméabilité vasculaire anormale, montre les lésions – quelques plaques, ou la périphérie de quelques plaques, en anneau – actuellement en activité.
Pour le diagnostic, l’IRM est remarquablement sensible, mais non spécifique. Les images d’hypersignal multiples et circonscrites sont fréquentes après la cinquantaine, surtout chez les hypertendus. De telles images s’observent dans la maladie de Behcet et dans les vascularites du SNC. Quelques sujets jeunes présentent un petit nombre d’hypersignaux circonscrits en-dehors de toute pathologie apparente (?). Néanmoins l’IRM apporte, devant un épisode neurologique de localisation unique chez un sujet jeune, l’argument de lésions multiples disséminées.
L’IRM répétée nous a appris beaucoup sur l’histoire naturelle des lésions. Dans les SEP de gravité moyenne, d’évolution rémittente ou rémittente-progressive (les deux types sont ici indissociables), il y a 8 fois plus d’évènements repérables par l’IRM que par la clinique (apparition de nouvelles plaques, augmentation ou diminution de certaines zones d’hypersignal, prise de gadolinium).
L’IRM confirme l’isolement des formes bénignes (images de petite taille, relativement peu nombreuses) et l’individualité des formes continues progressives (petit nombre d’images d’hypersignal, ou pas évolutives, quelques images volumineuses).

11 Diagnostic différentiel

Facile dans la mesure où il existe un tableau habituel, réalisant des associations syndromiques assez particulières, le diagnostic peut aussi être des plus difficile puisque de nombreux cas s’écartent du type par leur tableau et par leur évolution. Les erreurs sont fréquentes, par excès et par défaut. Elles concernent :
– les tumeurs et les angiomes du tronc cérébral
– les malformations de la charnière crânio-encéphalique et les tumeurs du trou occipital
– la maladie de Friedreich
– les syndromes neuro-anémiques
– les myélopathies subaiguës et particulièrement les shunts artério-veineux (avec évolution récidivante)
– les encéphalo-myélites aiguës disséminées (dont l’évolution cependant est monophasique).

Dans le groupe des maladies qui provoquent des lésions multi-loculaires du SNC, on trouve encore :
– la maladie de Whipple,
– les angéites, la maladie de Behcet et les uvéo-névraxites, la maladie de Gougerot-Sjögren.
– la sarcoïdose
– les métastases cancéreuses
– la leuco-encéphalopathie multi-focale progressive.

Contrairement à la SEP, les affections précédentes s’accompagnent, à des degrés divers, d’un syndrome inflammatoire général.
Devant le caractère fluctuant, flou, passager, de certaines manifestations de début (faiblesse, déséquilibre), le diagnostic d’hystérie est quelquefois retenu ; réciproquement des manifestations de nature hystérique peuvent être prises pour des poussées évolutives chez un patient porteur d’une SEP.

Limites nosologiques
La définition de la SEP étant non pas pathogénique mais anatomique et reposant sur la notion de démyélinisation inflammatoire circonscrite multiple, il existe des entités qui peuvent être considérées soit comme des formes anatomiques de la maladie, particulières par le siège, le volume des lésions, leur tendance nécrosante, soit comme des maladies différentes, telles que la Neuro-myélite optique de Devie, ou la forme inflammatoire de la maladie de Schilder. Ce que l’on désigne aujourd’hui comme formes progressives d’emblée de la SEP apparaîtra peut-être un jour comme une autre maladie.

12 Physio-pathologie

Il est faux de dire qu’on ignore tout de la cause de la SEP. Il n’y a pas vraisemblablement une cause unique ; mais on doit plutôt admettre une maladie multi-factorielle dont certains facteurs commencent à être débrouillés, d’autres non.

12.1 L’auto-immunité

Nous disposons d’un modèle expérimental de la SEP : l’encéphalite allergique expérimentale dans ses formes chroniques à rechutes (chez l’homme, les complications neurologiques de la vaccination anti-rabique de type pastorien réalisent une véritable maladie expérimentale très proche de l’EAE). Cette maladie provoquée par une injection unique d’extrait de myéline (ou d’autres antigènes mieux définis : la protéine basique et ses peptides encéphalitogènes ; le protéo-lipide) avec l’adjuvant de Freund complet, partage avec la SEP le fait :
– d’être une démyélinisation inflammatoire
– d’évoluer de façon rémittente et prolongée
– de dépendre de restrictions génétiques, n’étant possible que dans certaines souches de souris
– d’être liée au complexe majeur d’histo-compatibilité.
Elle en diffère cependant du fait que les lésions sont essentiellement péri-veineuses, non en plaques, et surtout qu’aucun antigène n’a pu dans la SEP faire la preuve absolue de son rôle immunogène (responsable d’une auto-immunité).
L’histoire du développement des lésions est très superposable jusque dans le détail entre le modèle animal et la SEP. Le premier phénomène est l’atteinte de l’endothelium des vaisseaux du SNC, avec rupture de barrière, passage de globulines, de lymphocytes et sécrétion de lymphokines. Contemporaine de ce début de la maladie ou du départ d’une poussée, on note dans le sang circulant une chute des cellules CD8 (qui entre autres ont une fonction suppressive). Ces premiers évènements vont induire localement l’activation des macrophages qui dissocient et détruisent les gaines de myéline, ainsi que l’attaque des oligodendrocytes (dans laquelle intervient le complément).
La poussée est un phénomène local, où chaque site lésionnel évolue ou reste éteint de façon indépendante. L’interféron gamma est un des principaux activateurs du développement des lésions.
Si l’on ne peut, en l’absence d’antigènes responsables, affirmer une maladie auto-immune, du moins a-t-on créé pour la SEP le concept de maladie à médiation immunologique.

12.2 La génétique

La susceptibilité à la SEP paraît, nous l’avons vu, déterminée par le patrimoine génétique de chacun. Cette donnée est tout à fait compatible avec l’intervention de mécanismes immunologiques, puisque les principales réponses immunitaires sont commandées et modulées par différents gènes. Dans ce cadre, la présence de certains allèles HLA n’est peut-être pas un simple marqueur de susceptibilité ; la molécule peut intervenir par elle-même dans son rôle de présentateur d’antigène au récepteur de la cellule T. De toute façon, d’autres gènes interviennent encore dans la susceptibilité ; ils sont l’objet d’une active recherche.

12.3 Les facteurs d’environnement

Pour qu’une susceptibilité devienne une maladie il faut la rencontre de facteurs déterminants ou au moins déclanchants. Depuis très longtemps le rôle possible de virus a été suspecté et chaque progrès dans la connaissance de la biologie des virus et des classes de virus a été sans délai testé par rapport à la SEP. La description, contestée, d’épidémies de SEP serait un argument indirect pour l’intervention d’un virus. Episodiquement un isolement (myxovirus, coronavirus, rétro-virus) à partir d’un cas ranime cette vieille discussion.
On ne connaît pas aujourd’hui un virus de la SEP. On n’a pas d’arguments pour étayer l’hypothèse de virus multiples capables de déclancher de façon non-spécifique des réponses immunitaires pathogènes.

13 Traitement

Nous sommes à une période charnière entre un scepticisme buté et des essais thérapeutiques qui se multiplient.
Les essais posent des problèmes difficiles qui ont été bien analysés pour être surmontés :
– l’objectif recherché, définissant le paramètre mesuré (la durée des poussées et les symptomes évalués à 1,2,3,4 semaines ; le nombre de poussées annuelles ; l’augmentation du niveau d’incapacité après 2 ans de traitement). L’histoire naturelle de la maladie impose des conditions rigoureuses pour espérer obtenir des résultats significatifs,
– les effectifs et les durées d’expérimentation,
– le choix entre un essai sur des types déterminés de SEP et une évaluation sur des cas tous-venants, sachant qu’on hésite à proposer l’inclusion, avec une chance sur deux d’être sous placebo, à des patients qui aggravent rapidement leur invalidité, – et sachant que pour les formes bénignes il n’y aura aucune différence entre les patients traités et les témoins,
– les problèmes éthiques tels que le maintien pendant plusieurs années, sous placebo d’une maladie grave (l’essai comparatif de deux traitements risquant davantage de n’être pas concluant et se prêtant rarement à un double insu).
La durée d’un essai et l’effectif des patients inclus peuvent être grandement réduits en mesurant sur des IRM répétées le nombre des événements qui se produisent. On évalue une action efficace sur la maladie mais pas l’utilité pour les malades.
Compte tenu de ces difficultés et des incertitudes qu’elles entraînent, quelques conclusions sont possibles. Les conduites thérapeutiques qui en découlent sont à revoir en fonction des résultats d’essais en cours.

13.1 Les corticoïdes

Ce sont des médicaments actifs sur les poussées (moins durables, moins graves). L’ACTH (naturel ou de synthèse) est remplacé par la prednisone et ses dérivés. Dans cette indication, on préfère aujourd’hui les cures brèves et intenses (1 gramme par jour de méthyl-prednisolone injectable pendant 3 jours). On discute l’utilité de faire suivre ce flash d’une cure de 15 à 20 jours de prednisone per os.
La prise continue de corticoïdes per os ne donne pas d’avantages appréciables ; elle ne protège pas contre le retour des poussées. Elle expose à toutes les complications de la corticothérapie (dont l’amyotrophie, l’excès pondéral et l’ostéo-porose). Elle doit être déconseillée.

13.2 Les immuno-suppresseurs

13.3 L’Azathioprine (Imurel)

Administré au long cours (3 mg/kg/j per os), il a peu d’intolérances et pratiquement pas d’accidents graves. La possibilité d’obtenir une stabilisation prolongée (dans les formes moyennes) est apparente en pratique, mais non définitivement prouvée.

13.4 Le Cyclophosphamide (Endoxan)

Influence l’aggravation spontanée de la maladie. Il est utilisé en cures par voie veineuse. Il peut arrêter ou freiner une évolution grave. Outre des complications (digestives, vésicales), il a un risque oncogène (dose-dépendant, imposant d’arrêter ce produit quand la dose totale administrée atteint un plafond).

13.5 Le Mitoxantrone

N’a pas le même risque oncogène mais une cardio-toxicité. Les résultats d’un essai contrôlé dans des formes très évolutives de SEP ont démontré sa capacité à arrêter le processus inflammatoire sur l’IRM et à réduire de 80% la survenue de poussées avec en conséquence une amélioration du handicap sur une période de six mois.

13.6 Le béta-Interféron

Son action sur la maladie est considérée comme établie par l’essai américain et canadien. Il a une capacité sur une période de 3 ans de réduire de 30% la fréquence des poussées et de réduire la progression de la charge lésionnelle sur l’IRM. Son efficacité réelle sur le handicap est en cours d’évaluation. Il s’administre soit par voie sous cutanée (1 injection tous les deux jours), soit par voie IM (1 injection/sem.) Les effets secondaires sont dominés par un syndrome pseudogrippal dans les heures qui suivent l’injection. Il est le seul médicament à avoir obtenu l’AMM pour la SEP. Son coût est élevé 8000 F environ par mois.

13.7 La rééducation

Même avec une maladie évolutive qui peut mettre en péril des résultats patiemment gagnés, elle mérite d’être pratiquée en permanence. Elle est difficile lorsqu’existent plusieurs déficits associés (pyramidal + cérébelleux + proprioceptif). Il faut mettre en garde contre l’immersion en eau chaude (l’élévation thermique aggrave les troubles de conduction dans des fibres démyélinisées).
La rééducation vésico-sphinctérienne peut transformer le handicap social chez certains patients.
L’intervention des ergothérapeutes facilite le maintien dans le cadre de vie habituel.

 

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